![]() |
Accueil | A propos des Amis | Tourbières 101 | La tourbière de Saint-Joachim | Bibliothèque | Partenaires | Pour nous aider |
Tourbières 101 : caractéristiques et origine
|
Encart 1 : Origines de certains mots des tourbières Bog d’origine gaélique ou irlandaise et fen du vieil anglais sont utilisés pour décrire un milieu humide et spongieux. En anglais, on a respectivement utilisé bog et fen pour tourbière ombrotrophe et tourbière minérotrophe. On a également emprunté laag du scandinave pour identifier la zone plus humide à la périphérie d’une tourbière. Le terme typiquement canadien muskeg vient du cri ou de l’algonquin, pour décrire ces milieux dans les régions boréales et arctiques. Un équivalent davantage britannique est mire. Ici au Québec, le mot plée ou plé provient de la contraction du mot pelée ou pelé, faisant référence à l'absence plus ou moins complète d'arbres des parcelles concernées par rapport aux forêts avoisinantes. Les tourbières sont à l'occasion nommées tremblants. Ce nom fait référence aux parties parfois spongieuses de la surface et surtout à la sensation cocasse qu'elles laissent lorsque l'on y marche.
|
|
Origines des tourbières Origine des tourbières La plupart des gens connaissent bien la matière première des tourbières : la tourbe, cet amendement pratique des jardins et des plate-bandes, mais ils connaissant moins bien son origine et comment elle se forme. De plus, le langage courant entretient une confusion marquante avec le mot même de tourbe. En effet, ce mot est souvent employé à tort pour signifier le gazon en plaques bien connu dans l'aménagement des pelouses. Le problème provient en bonne partie du mot anglais turf ayant d'emblée les deux sens dans cette langue. La banque terminologique canadienne Termium suggère d'éviter en français l'usage du mot tourbe pour les rouleaux de gazon. L'industrie horticole règle la confusion en commercialisant cette matière sous les noms de mousse de tourbe ou mousse de sphaigne, encore trop souvent appelé dans le langage populaire par son nom anglais peat moss. Conditions de développement Pour en apprendre davantage sur la tourbe, il faut explorer les conditions nécessaires à la l'édification des tourbières. Par définition, les tourbières sont des milieux humides, des écosystèmes où l'accumulation de matière organique, essentiellement des débris végétaux, dépasse sa décomposition. Le fonctionnement normal de l'écosystème tourbeux nécessite en général une accumulation d'au moins 30 à 40 cm de tourbe, d'où découle souvent sa définition légale. L'épaisseur est souvent bien supérieure mais elle peut aussi être moindre comme dans le cas des tourbières nordiques soumises entre autre au pergélisol (permafrost). Cette épaisseur dépend en grande partie des conditions climatiques ambiantes. En milieu terrestre, en forêt par exemple, la matière organique issue de la végétation comme les feuilles, les branches, même celle des restes d'animaux, est plus ou moins rapidement décomposée pour être intégrée au sol ou être consommée par d'autres espèces vivantes. Un équilibre s'établit et le recyclage des résidus est complet. Plusieurs produits de cette décomposition sont justement essentiels à la croissance des plantes. Dans une tourbière la situation est très différente, cet équilibre est perturbé, des conditions physiques et chimiques ralentissent la décomposition au point de permettre une accumulation de la matière organique. Ce processus d'accumulation est très lent, d'ordre millimétrique, mais sur des milliers d'années, l'amoncellement peut facilement atteindre plusieurs mètres. Les taux d'accumulation sont très variables, même au sein d'un même écosystème, et comme nous l'avons vu précédemment, ils fluctuent notamment en fonction du climat. Les faibles températures limitent la décomposition. Il faut aussi prendre en compte la compaction graduelle des couches profondes sous le poids de l'accumulation elle-même. En Amérique du Nord, des évaluations donnent des valeurs oscillant entre 100 et 200 cm par 1000 ans (1 à 2 mm par année), quoique la tourbière Thoreau au Massachusetts montre un taux beaucoup plus rapide de 430 cm par millénaire. En Europe de l'Ouest, les tourbières affichent des valeurs moindres, entre 50 et 100 cm par millénaire. Une des conditions physiques principales de ces milieux humides est justement la nécessité de maintenir le sol humide sous une forme ou une autre. La production de tourbe peut se faire dans un bassin, une dépression dans le relief ou sur une surface non confinée, suffisamment imperméable et où le terrain bénéficie d'un ruissellement relativement constant. Dans certains cas, la présence d'eau sera occasionnée tout simplement par un mauvais drainage suite aux précipitations. À nos latitudes, le stade initial d'une tourbière s'amorce souvent dans un étang peu profond, en bordure d'un lac ou même d'une rivière là où le courant est minime. Les débris de la matière vivante qui s'y amasse, se décomposent beaucoup plus lentement qu'en milieu terrestre compte tenu de l'absence d'oxygène. Les produits de cette décomposition anaérobie auront tendance à acidifier l'eau du bassin, ce qui limitera d'autant le processus, notamment en limitant le travail des micro-organismes et des bactéries. La matière organique mal décomposée aura ainsi tendance à remplir le bassin, de la périphérie vers le centre. On parle alors de comblement ou de paludification. C'est le mécanisme principal en cause dans les tourbières du sud de la province. Les conditions climatiques sont donc déterminantes, en particulier les précipitations. Elles doivent être suffisantes pour maintenir un niveau d'eau suffisant dans le bassin. La température et le vent doivent aussi favoriser la stagnation de l'eau et ne pas enclencher une trop forte évaporation. Même chose chez les plantes, la chaleur doit être suffisante pour permettre la croissance des végétaux mais pas trop afin de minimiser leur transpiration. Une boucle de rétroaction se mettra en place, et des associations végétales bien adaptées à une forte acidité, on dit aussi à pH faible, coloniseront le site et accentueront le processus d'accumulation de matière organique. Les sphaignes constituent à ce propos un genre végétal déterminant des tourbières, les produits de sa décomposition acidifient encore davantage l'eau, limitant d'autant l'action des micro-organismes et de tous les processus de décomposition [voir l'encart sur les sphaignes].
|
![]() ⇡ Tapis de sphaigne (Sphagnum) avec un sporophyte, appareil de reproduction de ce type de bryophytes. • Liste des espèces du Québec méridional, indicatrices des milieux humides (« Annexe 1 »). |
Encart 2 : Les sphaignes Les tourbières sont composées d’un cortège floristique très particulier et les sphaignes constituent l’un des éléments clés. Ainsi il est tout à fait normal, pour ne pas dire essentiel de parler de cette plante très spéciale lorsque l’on parle de ces écosystèmes. Elles font partie de la grande division végétale des bryophytes, c’est-à-dire des plantes n’ayant pas de système vasculaire, elles n’ont aucune cellule spécialisée dans le transport de l’eau et des nutriments. Elles sont de cette façon très dépendantes des milieux humides. Pour pallier à la disponibilité variable de l’eau, cette plante a une capacité de stockage de l’eau hors du commun. Elle peut emmagasiner jusqu’à 25 fois son propre poids, une caractéristique fondamentale dans la capacité des tourbières de réguler les précipitations et les niveaux d’eau, diminuant d’autant les risques d’inondation des lieux environnants. Les sphaignes peuvent supporter de grandes sécheresses temporaires, elles se dessèchent et passent alors à un état de vie très ralenti. Lorsque l’eau redevient disponible, elles se réhydratent et elles « revivent » à nouveau. Ce phénomène peu commun s’appelle la reviviscence. Les sphaignes ont longtemps été considérées comme faisant partie des mousses, d’où l’appellation biaisée de mousse de tourbe, pire encore, mousse de sphaigne. Elles sont maintenant reconnues comme faisant partie d’une famille distincte de bryophyte compte tenu de caractéristiques qui lui sont propres. Le genre Sphagnum est très homogène au point de rendre très difficile l’identification des espèces, ce qui a longtemps constitué un problème pour déterminer leur nombre exact. Le débat n’est pas clos, mais actuellement les spécialistes s’entendent pour reconnaître 44 espèces distinctes ici au Québec. En Amérique du Nord, le nombre varie selon les auteurs, passant de 72 à 90. Plusieurs de ces espèces se retrouvent sur plusieurs continents. À l’échelle mondiale, le nombre total d'espèces est sujet à controverse mais un certain consensus tend à fixer ce chiffre à 120 (The Plant List, 2010). L’anatomie de cette plante est très rudimentaire, voire primitive. Vu son absence de racine et sa ramification très élémentaire, cette plante croît par une extrémité, par ce que l’on appelle le capitule, et meurt par l’autre, pour former la tourbe elle-même. Ses propriétés acidifiantes influencent de façons marquantes les conditions physico-chimiques des lieux où elles s’installent, d’où les assemblages floristiques très particuliers des tourbières. La sphaigne comporte des acides la rendant résistante à la décomposition, ces mêmes composés chimiques rendent le milieu lui-même réfractaire à la dégradation des autres détritus organiques. Malgré leur petite taille, de l’ordre de la dizaine de centimètres, les sphaignes constituent les bryophytes les plus abondantes et les plus répandues de la planète. De plus, dans le contexte des changements climatiques et des niveaux inquiétants de CO2 dans l’atmosphère, il est important de prendre conscience que les sphaignes accumulent et séquestrent à elles seules, mortes et vivantes, plus de carbone que tout autre genre végétal ou animal. En contre partie, lorsque les tourbières sont perturbées et drainées, elles relâchent ce carbone dans l’atmosphère avec les impacts à craindre pour le réchauffement de la planète.
|
|
Les tourbières et les changements climatiques Les tourbières sont des espaces saturés d’eau formées de matière végétale décomposée qui peut atteindre une profondeur de 30 mètres et qui s’est accumulée avec le temps. Elles couvrent 3% de la superficie de la Terre. Ce qui est remarquable, c’est que les tourbières stockent plus de deux fois plus de carbone que toutes les forêts de la planète mises ensemble, de sorte qu’elles jouent un rôle important dans l’atténuation de certains effets des changements climatiques. (Ramsar, 2016) Mise en contexte québécoise... (à suivre) |